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faire chaque jour, pour forcer les campagnards à briser les statues de leurs Dieux, mais il leur faut pour cela
livrer de rudes combats. Les villages ne cèdent pas sur ce point aussi promptement que les villes, et leurs
habitants qui n'ont pas la mollesse des citadins, tuent, à coups d'arbalète et de piques, les Nazaréens qui
Première lettre 156
Les consultations du docteur Noir ; Stello : première consultation ; Daphné : seconde consultation du docteur Noir
veulent toucher à leurs petits temples, et défendent mieux leurs Dieux de bois que les riches leurs Dieux de
marbre et d'or.
Cette fois les Nazaréens à robe noire ont été repoussés dans Antioche plus vigoureusement que jamais, à
cause du débarquement inattendu d'un corps d'armée de l'Empereur, qui ne s'élève pas à moins de soixante et
dix mille hommes. Ces Chrétiens se vengeaient donc sur la ville où ils règnent en maîtres, et au milieu d'une
troupe de ces compagnons que beaucoup de femmes du peuple entouraient, je vis l'un de ces jeunes furieux
monter sur une pierre et haranguer pendant plus d'une heure, en prononçant des imprécations qui paraissaient
s'adresser à l'Empereur, car il montrait l'orient où l'on apercevait les premiers travaux du camp romain que ce
jeune prince fait toujours asseoir à la manière de Jules César. Les habitants d'Antioche ont un amour
incroyable pour les longs discours, et leurs Prêtres leur reprochent de ne chercher que cela dans leurs temples,
et non la prière. Après celui que fit devant nous ce nouvel orateur, le Peuple jeta des cris de joie et prit des
pierres pour courir à une nouvelle destruction où le guidaient les jeunes Nazaréens en robe noire. Notre frère
Siméon de Gad, à qui je demandai le nom de ces étranges personnages, me dit, avec un léger sourire qu'il ne
put s'empêcher de laisser percer sous l'habituelle gravité de son langage, que ces hommes qui couraient en
foule et vivent par troupes nombreuses s'appelaient depuis quelques années : solitaires ou moine. Pour moi
cela ne me paraît pas surprenant, quand je vois s'établir aussi peu à peu, dans tout l'Empire, la coutume de
nommer Paysans, en langue de Rome, tous les adorateurs des Dieux, de quelque rang qu'ils soient, à cause de
la résistance obstinée des villageois, des Pagani.
Je craignis un moment de voir ici des massacres pareils à ceux dont nous fûmes témoins à Alexandrie,
mais les habitants d'Antioche sont querelleurs, disputeurs et moqueurs comme les Athéniens, sans que leurs
emportements soient empreints de la cruauté du Peuple d'Alexandrie. Après les moines passèrent des bandes
plus joyeuses qui chantaient des vers grossiers contre l'Empereur qu'ils nommaient le Boucher et le
Victimaire. Ils recevaient des poignée d'argent que leur jetaient de leur terrasse deux eunuques très riches de
la cour de Constance, que le jeune Empereur fit chasser à son avènement et qui cependant s'étaient empressés
de passer par le Taurobole, avant qu'on ne le leur demandât. A présent, disgraciés sans retour, ils sont
devenus plus fervent Chrétiens que jamais, et font une guerre timide et honteuse au prince qui purgea
Constantinople des espions et des dénonciateurs dont ils faisaient partie. Les coureurs de rues désoeuvrés et
gorgés de vin étaient au plus fort de leurs chansons sur la barbe de Julien, lorsque les trompettes ont résonné
aux portes de la ville et les chemins se sont vidés à l'instant. Toute la foule s'est jetée dans les maisons et s'est
mise à charger les toits et les terrasses pour voir passer une des cohortes de l'armée qui va entrer en Perse
dans quelques jours, et qui traversait Antioche en silence. Je n'avais jamais vu ces vieux légionnaires qui ont
fait Auguste, malgré lui, le jeune César. J'ai compris l'étonnement que leur vue a causé à ces Syriens qui sont
vêtus de soie, parfumés et épilés comme des femmes, que les Huns et les Isaures auraient déjà faits esclaves
sans cet Empereur qu'ils maudissent, et qui iront bientôt, après lui, tourner des meules de moulin chez les
Barbares qui leur crèveront les yeux.
La cohorte qui passait était celle des hoplites. Ces hommes dont le front est chauve marchaient la tête
nue, portant leur casque suspendu au col. Leurs crânes jaunâtres et cicatrisés reluisaient comme la cime de
ces vieux rochers que baigne la mer. Ils marchaient aussi légèrement que les jeunes lutteurs quand ils sont nus
et huilés pour la course.
Ruben de Theman me fit remarquer que celui qui tenait l'aigle, vieux centurion à cheveux blancs, portait
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